L'entreprise régénérative est-elle un mythe ?

Vous avez été nombreux à nous avoir transmis l’article de Raz Godelnik sur le “mythe” de l’entreprise régénérative et nous demander notre impression. Voici nos 5 convictions, en rebond de cet article :

Oui, l’action régénérative relève bien d’un changement de vision, de paradigme. Elle appelle à reconnaitre et à intégrer dans notre fonctionnement la complexité du réel, les effets d’interdépendance et de coévolution, sur lesquels reposent tous les systèmes vivants. Avant d’être un chantier technique, la régénération nous amène à adopter une pensée plus systémique. Mais dépasse, dans l’ambition, les enjeux d’inspiration biomimétique, de circularité, ou d’économie de la fonctionnalité, utiles mais insuffisants. Elle s’inscrit dans la vision forte de la durabilité, en posant le respect des limites planétaires comme condition nécessaire et non négociable.

Oui, l’entreprise régénérative met nécessairement en question l’objectif de croissance volumique, mesurée à travers le PIB en macro, et ses dérivés en micro (chiffre d’affaires, marges…). Du fait des limites planétaires évoquées, et parce que dans la majorité des modèles économiques, cette croissance implique mécaniquement celle de la matière et de l’énergie consommées. Ce sont des modèles économiques alternatifs (au résultat, à l’usage, à l’impact…) qui permettent de renouer avec le développement d’actifs et d’avantages immatériels, qualitatifs, d’une nature différente (bien-être, végétalisation, développement des connaissances…).

Oui, la plupart des entreprises vont devoir coopérer avec d’autres entreprises pour être régénératives. Le régénératif est d’abord une caractéristique unique du vivant, qui la distingue de l’inerte. Une brique ne peut pas se régénérer. Vous la cassez, elle ne repousse pas. Elle ne fait pas naître d’autres briques. Au contraire d’une plante, d’un animal ou d’un humain qui ont la propriété de se “réparer”, de grandir, de façon spontanée. Des secteurs entiers, sans lien direct avec le vivant (ex : bâtiment, chimie, sidérurgie, SaaS…) vont devoir, pour évoluer vers le régénératif, se lier plus directement avec les écosystèmes vivants, via des coopérations avec les secteurs du vivant (agricoles et forestiers notamment), à l’échelle des territoires (ex : la fonderie avec la coopérative agricole d’à côté). Certaines entreprises garderont nécessairement des activités non régénératives. En revanche, l'ambition est qu'elles rejoingne t des écosystèmes coopératifs sur lesquels porte l'ambition régénérative.

Oui, certaines activités sont incompatibles avec le régénératif et les limites planétaires. Nous allons devoir apprendre à renoncer (ex : activités très significativement énergivores et polluantes). Sans cela, les écosystèmes coopératifs ne pourront atteindre le niveau régénératif, plombés par l’impact négatif trop intensif de ces activités ou actifs incompatibles avec les limites planétaires. Les entreprises, en route vers la réalisation de leurs objectifs SBTI de réduction carbone (en moyenne environ - 45% en 2030, - 90% en 2050) commencent à en prendre conscience.

Face à l’émergence (voire l’explosion!) du concept d’entreprise régénérative, une position équilibrée à tenir :

S’en réjouir ! Ça participe à la bataille des idées, même si la réalité n’est pas au niveau. Le concept de “régénérer” peut fédérer positivement les collaborateurs et les parties prenantes, davantage que la “réduction du négatif”. Il nous faut soutenir et accompagner leur mouvement, dans toutes nos entreprises (par des formations, des communautés d’apprentissage, des outils concrets….).

Rester exigeant sur l’intention ! In fine, une entreprise régénérative doit transformer significativement sa vision du monde, son modèle économique, sa culture, son organisation. Ce cadre doit être rappelé à chaque fois qu’une entreprise s’estime “avoir fait le boulot”, ralentit ou s’arrête sur le chemin.

Haut les cœurs pour l’entreprise régénérative!

Christophe Sempels (Directeur Général de LUMIÅ) et Antoine Denoix (CEO d'AXA Climate).

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